mercredi 22 juillet 2020

"MIMI-BIRTHDAY 2020" - Mireille Mathieu - les débuts (2) - La détermination !

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 Mireille Mathieu - La bataille des Piaf  !


Nous en étions resté dans la deuxième partie à cette remarque d'un assistant de Roger Lanzac :

« Ça va être marrant : la bataille des Piaf ! »
Première partie !



La bataille ? C’est vrai : préoccupée par le choix à faire, je n’ai plus songé à la  compétition. Or, il y a une concurrente sérieuse qui a déjà gagné quatre fois de suite. Je l’ai vue à la télé, Georgette Lemaire. Plus âgée que moi, elle est mariée avec deux fils et pas heureuse en ménage, la pauvre. Elle chante le répertoire de Piaf, elle aussi, et ça me parait normal : personne n’a de chansons plus belles... Vite, vite, un coup de peigne et... on y va ! ce que c’est qu’un plateau de télévision ! Chaque caméra est comme une araignée avec des mouches autour ! et ça tire des fils de tous les côtés. Vite, vite! la partition... Je me prends le pied dans un câble, je la laisse tomber...« Et dans quel ton ? demande le pianiste.  Peuchère ! je n’en sais rien ! »

Roger Lanzac, qui m’a entendue, m’imite aussitôt : « Peuchère ! On ne peut pas dire qu’elle a l’accent de Piaf, On rit autour de lui. Je suis rouge. Peut-être aurais-je dû choisir Guy Lux... Georgette Lemaire est de Paris, elle, comme Piaf. C’est trop tard. Les projecteurs s’allument. Je ne peux plus dire non. Je ne peux plus reculer. Mais pour toi, Jezebel, Je ferais le tour de la terre... J’entends Roger Lanzac demander à un technicien : « Ça va, pour toi ?» Et celui-ci répondre de je ne sais où, car je ne vois rien : « Ça passe. » Ça veut dire sans doute que je suis passable. " « C`est formidable... me dit la dame blonde. Raymond Marcillac est très content. Ah, bon ? Merci, madame.  Appelez-moi Nanou. » Elle a un joli sourire, Nanou Taddei. Mais, moi, j’ai une boule à l’estomac. Parce que j’ai envie de pleurer, parce que je voudrais que maman soit là, et Matite, et Christiane...« Moi, on m’appelle Mimi. J’ai déjà entendu ça quelque part !» L’humour m’échappe.

 J’ai peur. Une chose, une seule chose peut me calmer l’esprit : la prière. Par chance, en rentrant rue d’Aboukir, je vois que Notre-Dame-des-Victoires n’a pas encore fermé son portail. A pas rapides, je vais vers la statue de sainte Rita. J’allume un cierge à la flamme d’un de ceux qui brûlent déjà. Rien que ce geste commence à me mettre de l’ordre dans le cœur.« Enlevez-moi l’angoisse. Faites-moi gagner... pour tous ceux que j’aime, pour les aider comme vous m’aidez... » Magali me trouva en train de boire mon tilleul.

« T’as pas trop le trac ? - Ça va. - Moi, je serais morte de trouille ! » Je ne prolonge pas la conversation pour rester en tranquil-lité. Ne pas permettre à une  autre pensée de m’envahir. Je vais me coucher et m’endors comme un muret. Car si le ciel m’a donné une voix, il m’a donné aussi la faculté de dormir beaucoup, et l’une est excellente pour l’autre ! « Nous allons faire une prière pour toi, me dit maman,  Et, tu sais, Mimi, ne t’inquiète pas trop, me dit papa. Même si tu ne réussissais pas cette fois... c’est pas grave. Tu sais comment doubler ! » Je suis bien décidée à ne pas le faire. Tout me presse. Le chômage qui me guette depuis la déconfiture de l’usine, ces trois années passées à travailler avec Mme Collière qui ont fait germer ma graine de rêve. J’ai dix-neuf ans, il faut que je m’en sorte, et avec moi, tous les Mathieu ! Il faut que je fasse entrer du bonheur dans la maison encore plus assombrie par la mort de papet. C’est aujourd’hui ou jamais. Je me souviens avoir revêtu ma petite robe noire comme un habit de lumière et, avec la même gravité qu’un torero avant le combat, j’ai fait mon signe de croix.Le jour de l’émission, la fièvre monte encore de quelques degrés quand c’est en direct. Ce qui, à l’époque, était le cas.Ensuite, la mode s’en est perdue, au profit d’une perfection technique, sans doute, mais l’émotion du direct est irremplaçable et je suis heureuse qu’on y revienne. C’est du sans filet. Je donne peut-être l’image d’une fille raisonnable, mais, en fait, j’ai le goût du risque ou, tout au moins, de la performance.J’aime vaincre. Vaincre une salle difficile, ou réputée comme (telle, me plaît. Et je n’aime pas perdre... même au rami. Ce 21 novembre 1965, je ne sais qu’une chose : il faut gagner. J’ignore tout de la difficulté du métier. Le but est là, tout près, immédiat. Il me semble que je peux le toucher...



En scène, isolée dans les projecteurs et sous l’œil des caméras pour la première fois de ma vie, en les tendant, mes bras, vers le public, j’ai l’impression extraordinaire, jamais ressentie 
encore, de le frôler de mes doigts de d’avoir pour lui le cœur dans les mains. Mais pour toi, Jezebel, Je ferais le tour de la terre J’irais jusqu’au fond des enfers! Cela se passe à la mi-temps du match de rugby retransmis par Télé-Dimanche. Dans la salle, je sens comme une explosion qui me submerge. Oui, j’en suis sûre, j’ai gagné la salle. Mais il n’y a pas que le Théâtre 102. Il y a la France entière — ou presque ! — qui vote. Je me réfugie près de Nanou Taddei, qui, ma parole, en a, comme moi, des larmes plein les yeux. II n’y a plus qu’à attendre... mais quelle effervescence, quel bouillonne-ment autour de nous, des musiciens, des techniciens passent : « Formidable !» Un assistant arrive pour nous dire que « ça téléphone de partout, le standard en est bloqué ! ». « Ça ne m'étonne pas, dis-je à Nanou. Déjà avec tous les Mathieu et les Avignonnais que je connais, ça fait du monde ! » J'ai vraiment envie de rire, maintenant. Je m’inquiète de Roger Lanzac. I1 m’a embrassée en me soulevant de terre, ce qui ne lui est pas difficile ! C’est donc que sa colère de la veille lui est passée, mais je ne le vois plus? « Il guette les résultats avec Raymond Marcillac. » Un gros monsieur, qui vient de la salle, me demande si j’ai un agent? Je le regarde sans comprendre. Un agent de quoi? « Il y a bien des gens qui vont vouloir s’occuper de vous Faites attention ! » me dit Nanou.
Et maman qui m’a dit de ne parler à personne ! Mais ici, où tout le monde s’embrasse, c’est bien difficile ! Le jeune assistant revient, hilare : « Il y a des gens qui téléphonent pour demander si ce n’est pas la voix de Piaf qu’on a passée en play-back ! » Je ne sais pas ce que c’est qu’un play-back, Nanou m’explique. Dans un sens, je suis contente et, dans un autre contrariée : ainsi il y a des gens qui ne croient pas que c’est moi qui chante !



Un grand monsieur se fraye un chemin jusqu'à moi. Je le reconnais tout de suite, ce colosse, avec des favoris, des yeux bleu ciel, une allure de cow-boy...Il se penche vers moi, me prend les mains et me dit :
« Vous me reconnaissez ?» Si je le reconnais ! Johnny Stark ! Si j’osais, je lui dirais qu’il a du toupet ! Ça fait des mois que j’attends sa lettre ! « Vous aviez dit que vous m’écririez ! J’ai eu beaucoup à faire... mais, tout à l’heure, j’étais devant mon poste... Vous passez très bien à l’image. Je sursaute : mais c’est ma petite Avignonnaise ! J’étais dans ma tenue du dimanche, la décontractée, la robe de chambre ! Je m’habille, je fonce, me voilà, et on reprend la conversation où nous en étions... » Il me fait rire. Avec lui, je me crois dans un film ! « Alors, mademoiselle Mathieu, vous voulez toujours deve-nir chanteuse ? - Je le suis. - Holà ! pas encore... vous chantez. Ce n’est pas tout à fait la même chose. C’est un métier très, très difficile. Je ne crois pas que vous en ayez idée. Mais si vous avez du courage... - J’en ai. Elle est l’aînée d’une famille de treize enfants... inter-vient Nanou. - Oui, je sais, j’ai entendu tout à l’heure... Mais si je la prends en main, ce sera moi, l’aîné ! C’est moi qui commande, il y a un martinet chez vous ? » Je ris : - « Non. Il n’y en a jamais eu ! - Moi, j’en aurais peut-être un !» Je ris de plus belle. Il part à la recherche de Roger Lanzac. « Ah ! si Johnny Stark veut bien s’occuper de vous... c’est fane chance, me dit Nanou.  Parce que, lui, c’est un grand professionnel. Il s’est occupé d’Yves Montand, de Mariano, de Tino, de Line Renaud, de Johnny Hallyday... »

A ce moment, il y a une sorte de remue-ménage. Les résultats arrivent... J’ai la bouche sèche. Alors? alors? « Vous repassez la semaine prochaine », me glisse le petit assistant. Ça y est ! j’ai gagné ! J’embrasserais le sol si j’osais ! Roger Lanzac s’avance dans les lumières et annonce comme un fait (Unique au Jeu de la Chance) : « Georgette Lemaire et Mireille Mathieu sont ex aequo... »  Nous reviendrons toutes les deux le dimanche suivant. Donc, je n’ai pas encore gagné. Je suis à la fois contente et pas satisfaite...




Le cow-boy revient vers moi : - « Alors, mademoiselle d’Avignon, heureuse ?  Pas tout à fait. C’est à refaire...  Eh oui ! tout est toujours à refaire dans ce métier. Si vous ne comprenez pas ça, il vaut mieux abandonner tout de suite. » Je fais non de la tête. Je veux continuer. - « Alors, me dit le cow-boy, je vais aller voir vos parents... On partira ensemble. Je ne savais pas que ça allait durer... mais que ce ne serait pas toujours le rêve ! On ne part pas le lendemain. Parce que, le lendemain, il y a ma photo à la une de France-

Soir, chantant, devant le micro, dans ma petite robe noire aux manches de mousseline. On voit bien la petite médaille de Notre-Dame-de-Lourdes que papa m’a donnée en me disant : « Elle est presque en or... elle te portera bonheur. » Elle m’a porté bonheur…. Oui, même après la première victoire au Jeu de la Chance rien n`est encore gagné pour Mireille. Il faut toujours recommencer. Son portrait est à la Une de la presse, son nom est sur des milliers de lèvres, mais elle n`est pas encore une gagnante. Elle, jeune débutante, se retrouve face à Georgette Lemaire qui a déjà sur son dos 4 victoires au Jeu de la Chance et un contrat avec Philips. Cela ne désespère pas Mireille, elle décide de faire tout et suivre tous les conseils de Johnny pour réussir. Déjà, Johnny décide de lui faire une petite tournée en France avant de poursuivre le Jeu de la Chance. On peut lire dans son livre : Le 122, avenue de Wagram ne ressemble en rien aux bureaux que j’imaginais genre mairie. C’est le style salon, la succursale de l’appartement. Il y a des voilages blancs, de la moquette et des tableaux partout. Il ferait bon faire le lézard lais pépé Jo a d’autres projets. Dès ce soir, je vais habiter Neuilly : Nicole m’a préparé la chambre d’ami, Vincence est toute contente et, dès demain, on s’occupera de ma garde-robe. Le plus important, c` est les chansons. Pour gagner le Jeu de la Chance, il faut bien sentir ses chansons. Et en prévoir plusieurs... tu peux rester plusieurs semaines. Alors quelles sont tes préférées? - L’Hymne à l’amour... (il fait une moue). Oui, je sais, Mme Collière me trouve un peu jeune... - Elle a raison, Mme Collière. Tu es un poussin qui veut faire un cocorico ! » Je me pince les lèvres. Il se reprend, me tapote la joue, très gentil : - N'e te chiffonne pas. Tu es si mignonne quand tu souris, Tu feras cocorico, je te le promets, dans toute la France ! Nous disons L’Hymne à l’amour... et ensuite? - Ensuite... Je sais comment et... je ne sais pas. - Il faut savoir : tu sais ou tu ne sais pas ? - Monsieur Stark... intervient Nadine, vous l’abrutissez. - Oh! vous, Nadine! dans votre bureau... Exodus, tu connais? - Oui, mais pas très bien. - Y a qu’à l’apprendre. Ecoute-moi : parallèlement au Jeu Chance, je vais te faire faire un petit galop d’essai. Une tournée, si tu préfères. Tu lèveras le torchon. Je le regarde, effarée. Le torchon? Je me revois en train de faire la vaisselle. - Dans notre argot, c’est le rideau. Tu passes aussitôt le rideau levé. Les vedettes seront France Gall et Hugues Aufray. Ils sont très gentils, tu verras. Donc, le 5 décembre, si tout va bien tu es encore dans le Jeu de la Chance pour dix-huit millions téléspectateurs ; le 6, tu es à Dijon, le 7 à Genève, le 8 à Etienne, le 9 à Lyon et le 12 de nouveau au Jeu de la Chance... s’il plaît au ciel. »



Le Dimanche 28 novembre 1965 ...


Les visages qui s’éclairent partout à ma vue, avenue de Wagram au Théâtre 102... L’heure de la Chance, à nouveau Nanou et Nadine, excitées. « Georgette Lemaire parle d’abandonner. Elle discute avec Roger Lanzac » On me maquille. Je pense : « Ah non ! si elle abandonne où sera ma victoire ? » M. Colombe, monté d’Avignon, est parti dans un coin avec pépé Jo. Là aussi, ça discute. Mon Dieu ! Faites qu`ils s’entendent. Une rumeur fait boum : Georgette Lemaire va se désister en faveur de Mireille Mathieu. Ça veut dire quoi? « Elle a déjà signé avec une maison de disques » - dit quelqu’un. Je n’ai pas le trac. Seulement de la volonté. « Pense à une seule chose, Mimi, au public. Défonce-toi» - me souffle pépé Jo. Je l’aperçois dans les coulisses avec M. Colombe. Ma croix presque en or, mon signe de croix, les lumières. La voix qui part vers le ciel... Les bravos. Le standard bloqué. Les bravos encore. «La petite Piaf ! » qui bourdonne dans la cohue. La grande poigne de pépé Jo qui me fait rempart, autographes. Les photos jusque dans la rue. Mais comme ils sont gentils, tous ces gens ! Je voudrais tous les embrasser.... « Le plus dur est fait ! dis-je dans la voiture. - Ne crois pas ça. Le plus dur, dans ce métier, n`est jamais fait.




 Mireille Mathieu et Télé-Dimanche


21 Novembre 1965 : Jezebel 

28 Novembre 1965 : Soudain une vallée

05 Décembre 1965 : Exodus

12 Décembre 1965 : Hymne à l'amour

19 Décembre 1965 : La vie en rose





Source : le livre "Oui Je crois" unique biographie de Mireille Mathieu officielle et de plus très sérieuse. Auteurs : Mireille Mathieu et Jacqueline Cartier. Chez Robert Laffont.








Article par : Nadine et J-P relecture.

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